GaWC Research Bulletin 142

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Varsovie, une nouvelle métropole  

L. Bourdeau-Lepage*


1. INTRODUCTION

Depuis la chute du mur de Berlin, de profondes modifications économiques, politiques et sociales ont vu le jour dans les Pays d'Europe Centrale et Orientale. Parmi ces transformations, la naissance de nouveaux acteurs économiques, leur adaptation aux conditions de l'économie de marché et notamment leur entrée dans les réseaux globaux modifient, jour après jour, les anciens équilibres entre les métropoles européennes. Certaines grandes villes comme Budapest ou Varsovie suivent un processus original d'adaptation aux nouvelles conditions économiques, politiques et techniques qui résulte à la fois du poids de leur histoire et de leur capacité de transformation. Dans ses grandes lignes, l'évolution récente de la capitale polonaise est marquée par un étalement de la population, par une déconcentration de l'emploi avec l'apparition de pôles commerciaux en périphérie et par l'émergence d'un centre des affaires. La ville devient multicentrique tout en gardant un centre largement dominant en termes d'emploi (Bourdeau-Lepage, 2002). En 1996, Varsovie, avec une population de plus de 1,6 million d'habitants, occupe la 11 ème place parmi les villes européennes après Budapest mais avant Prague.

La position démographique de la capitale polonaise dans l'Europe élargie mais surtout son évolution spatiale et sectorielle conduisent à s'interroger sur sa place dans le réseau des métropoles économiques européennes voire mondiales. Ces métropoles concentrent une part importante des fonctions de coordination liées à la production et au commerce. Leur activité stratégique est la saisie, le traitement et la diffusion de l'information. Elles sont spécialisées dans des fonctions de décision, de contrôle et de création. Elles se caractérisent à la fois par une forte concentration urbaine et intra-urbaine des fonctions métropolitaines assurées par les services supérieurs (Bourdeau-Lepage & Huriot, 2003). Elles organisent des interactions économiques de longue distance et entretiennent des relations intenses avec des villes de rang identique dans une logique de réseau.

Ainsi, une métropole coordonne les interactions économiques dans une double logique de spécialisation intra-urbaine et de réseaux interurbains. L'évaluation de la capacité de Varsovie à se hisser au rang de métropole, se fera à travers ces deux dimensions, interne : sa spécialisation dans les services supérieurs (2) et son organisation spatiale (3) et externe : son insertion dans les réseaux mondiaux (4).

2. DE L'ADMINISTIF À L'ÉCONOMIQUE : LES NOUVEAUX SERVICES SUPÉRIEURS

En Pologne, l'ouverture au marché a conduit à une modification profonde du cadre institutionnel. Au cours de la période de planification centralisée, les activités commerciales et de production étaient planifiées au niveau central. Les choix stratégiques concernant le niveau de la production étaient dans les mains de l'Etat. A l'aide du plan, l'Etat coordonnait l'ensemble des activités. Les entreprises étaient contrôlées par les ministères et organisées à travers des réseaux principalement verticaux et hiérarchiques.

Le marché transforme le mode d'organisation de la production. A mesure que l'activité économique se libéralise, les besoins de coordination deviennent de plus en plus importants. Les anciennes règles et routines ne fonctionnent plus et les nouveaux acteurs adoptent de nouveaux comportements. Cette évolution conduit à une expansion des services et notamment des services liés à la production et à la finance. Ainsi, de nombreux métiers tertiaires émergent surtout dans le secteur privé. La plupart de ces nouveaux emplois exigent une main-d'ouvre très qualifiée, rare sur le marché (Lehmann & Wadsworth, 1997). Ces tendances sont particulièrement marquées dans la capitale polonaise qui constitue le plus grand bassin d'emploi du pays.

La part des travailleurs varsoviens occupant un emploi dans les services, qui n'était en 1988 que d'environ 58% est de 76,4 % en 20011 (Dowall et alii, 1994 et GUS, 2002). Cette modification de la structure de l'emploi à Varsovie est le résultat d'un processus original qui s'inscrit dans la durée avec la poursuite de la désindustrialisation de la ville.

En effet, entre 1995 et 2000, la capitale polonaise enregistre une augmentation de 4,8% de l'emploi alors que la tendance est à la baisse dans le pays, aussi bien dans les villes que dans les capitales régionales ( cf.  tableau 1). Ce sont uniquement les activités tertiaires qui connaissent une augmentation de l'emploi de 15,3% pour les Services Marchands SM et de 2,1% pour les Services Non Marchands  SNM ( cf. la note méthodologique pour les agrégations de nomenclature).

Tableau 1 : L'évolution de l'emploi entre 1995 et 2000 en Pologne

 

Total des travailleurs

en milliers

Evolution

en %

dont :

 

 

 

1995

2000

IC

SM

SNM

Pologne

9141,0

8170,7

-10,6

-18,6

-2,8

-2,3

Ensemble des villes

7737,8

6920,3

-10,6

-21,3

-2,1

-1

Ensemble des capi-tales régionales

2933,3

2780,8

-5,20

-20,1

+ 4,3

+ 2,4

Varsovie

727,8

762,4

+ 4,8

-11,1

+ 15,3

+ 2,1

Source : calculs effectués à partir de GUS (2002), tableau 23, p.42.

Ainsi entre 1995 et 2000, le pourcentage de l'emploi dans le secteur tertiaire progresse de 70,4% à 74,8% alors qu'il poursuit son recul dans l'Industrie-Construction (IC) en passant de 29,3% à 24,8% ( cf.  tableau 2). La structure de l'emploi dans la capitale est très différente de celle du pays et même des capitales régionales, où les services comptent respectivement seulement 58,4% et 68,6% des travailleurs en 2000. Ainsi, Varsovie se distingue nettement par sa concentration d'emploi tertiaire dont le niveau dépasse même celui des autres grandes villes (GV) polonaises2.

Tableau 2 : La répartition sectorielle des travailleurs en 1995 et en 2000

Année

Travailleurs en milliers

en % du total des travailleurs

IC

Services

SM

SNM

Ensemble de la Pologne

1995

9141

43,5

53,6

28,9

24,7

2000

8170,7

39,7

58,4

31,4

27,0

Ensemble des villes

1995

7737,8

44,4

54,8

30,8

24,0

2000

6920,3

39,1

60,2

33,7

26,5

Ensemble des capitales régionales

1995

2933,3

36,7

62,8

38,8

24,0

2000

2780,8

30,9

68,6

42,7

25,9

Ensemble des GV dont Varsovie

1995

2432,4

36,2

63,3

39,8

23,5

2000

2307,4

30,2

69,3

44,1

25,2

Varsovie

1995

727,8

29,3

70,4

49,1

21,3

2000

762,4

24,8

74,8

54,1

20,7

Concentration* à Varsovie

2000

-

0,6

1,3

1,7

0,8

Source: calculs effectués à partir de GUS (2002), tableau 23, p.42.

* La concentration est évaluée à l'aide des quotients de localisation des différentes activités à Varsovie calculés par rapport à l'ensemble la Pologne (voir la note méthodologique).

En 2001, comme en 1995, la capitale est une des rares grandes villes polonaises spécialisées dans les services. La proportion de l'emploi tertiaire dans l'emploi total varsovien est ainsi 8% plus élevée que celle de la moyenne de ces 10 villes ( cf.  tableaux 3 et A1).

Tableau 3 : La concentration* des activités dans les grandes villes polonaises en 2001

QL

I

C

Services Marchands

Services Non Marchands

 

total

FAI

SE

Services

 

Varsovie

0,8

0,9

1,2

1,5

1,3

0,9

1,08

Bydgoszcz

1,6

1,0

0,7

0,6

0,98

1,0

0,82

Gdansk

1,1

1,1

0,9

0,7

0,8

1,1

0,97

Katowice

1,2

1,2

0,98

0,8

0,99

0,8

0,93

Cracovie

1,0

1,3

0,9

0,6

0,96

1,1

0,97

Lublin

0,8

1,0

0,8

0,8

0,5

1,5

1,05

Lodz

1,3

0,7

0,9

0,7

0,8

1,1

0,93

Poznan

1,0

1,1

0,98

0,8

0,9

1,0

0,98

Szczecin

1,3

0,9

0,7

0,9

0,5

1,2

0,92

Wroclaw

0,9

1,1

0,95

0,94

0,99

1,1

1,01

moyenne des GV

1,0

1,0

1,0

1,0

1,0

1,0

1,00

Source: calculs effectués à partir de GUS (2002), tableau 5, p.18.

* La concentration est évaluée à l'aide des quotients de localisation des différentes activités calculés par rapport à la moyenne des 10 GV (voir la note méthodologique).

Cependant, la capitale n'attire pas de la même manière les différentes activités de services. Les services non marchands y sont sous-représentés. En 2000, ils emploient 20,7% des travailleurs contre 27% en moyenne en Pologne et un quart des travailleurs dans les grandes villes. Ce sont les services marchands qui se localisent à Varsovie. Ainsi, plus de la moitié des travailleurs varsoviens sont employés dans les services marchands, contre moins d'un tiers en Pologne en 2000. De ce fait, la ville présente une concentration des activités tertiaires marchandes 70% plus élevée que l'ensemble du pays (cf. tableau 2).

Avec plus des trois quarts des travailleurs employés dans le secteur tertiaire, une forte spécialisation dans les activités tertiaires marchandes et son statut attractif de capitale, Varsovie concentre un grand nombre d'emplois qualifiés et engendre de nouvelles activités de haut niveau capables de répondre aux nouveaux besoins de coordination de l'activité économique. Ces activités produisent de nouvelles économies d'agglomération qui en retour favorisent la concentration des fonctions métropolitaines, c'est-à-dire des services supérieurs.

En 2001, avec un tiers des travailleurs des grandes villes polonaises, Varsovie concentre plus de 43% des effectifs totaux des services aux entreprises de ces villes dans les services aux entreprises et près de la moitié des effectifs des activités financières. Par ailleurs, elle domine largement les autres grandes villes polonaises et constitue l'unique cas de spécialisation dans ces activités. Le degré de concentration des activités financières évalué à partir du quotient de localisation y est 50% supérieur à celui de l'ensemble des grandes villes ( cf. tableau 3).

La capitale jouit d'une position particulière parmi les villes polonaises. Elle est le lieu privilégié d'installation des fonctions de décision des entreprises. En 2000, Varsovie concentre ainsi le tiers des sièges sociaux des 500 plus grandes entreprises polonaises. La ville enregistre également une explosion des sociétés de conseils. Entre 1989 et 1999, le nombre de ces sociétés est passé de 9 à 432 (Wilk, 2001). L'expansion des services supérieurs dans la capitale ne se limite pas à ces seules activités. Les études notariées, les études d'avocats et les banques ont suivi une évolution comparable. En 2000, il existe 714 études d'avocats et 94 études notariées contre respectivement seulement 599 et 65 en 1996 (Wilk, 2001).

La spécialisation de Varsovie dans les activités tertiaires supérieures modifie la configuration spatiale de la ville. Par leur choix de localisation très centrale, en raison de leur besoin de contacts face-à-face, et par leurs effets sur les comportements spatiaux des autres activités, les services supérieurs produisent une nouvelle organisation spatiale de la capitale. Cette réorganisation est à la fois un résultat et une condition de réalisation de la restructuration sectorielle, par le jeu complexe des économies d'agglomération et des processus cumulatifs (Bourdeau-Lepage & Huriot, 2003).

3. L'ESPACE DES SERVICES SUPÉRIEURS

La concentration des activités de commandement, de création, de traitement et de diffusion de l'information dans la capitale polonaise entraîne une nouvelle spécialisation des espaces et conduit à l'émergence d'un centre des affaires.

Les communes périphériques se spécialisent dans les activités qui ont un important besoin d'espace, comme l'industrie, ainsi que dans les services qui suivent la population tels que le commerce et l'éducation. On retrouve donc à la périphérie, les activités qui y sont traditionnellement localisées.

Au contraire, la commune centrale est fortement orientée vers les activités les plus sensibles aux économies d'agglomération, c'est-à-dire vers les activités tertiaires supérieures et les activités qui leur sont associées comme l'imprimerie et la polygraphie (Bourdeau-Lepage, 2002).

Cette commune concentre 86% des sociétés de conseils établies à Varsovie en 1999 et plus de 90% des études notariées et d'avocats. Sur les 165 sièges des 500 plus grandes entreprises polonaises présents à Varsovie, les trois quarts sont localisés dans la commune centrale ( cf. tableau 4).

Tableau 4: La localisation de certaines fonctions supérieures dans Varsovie

 

Sociétés de conseil en

1999

Etudes d'avocats

en 2000

Etudes notariées

en 1999

Banques*

Agences commerciales bancaires*

Sièges sociaux

en 2000

Commune centrale

86,3

91,9

91,5

84,5

90,7

77,0

Mokotow

14,1

8,5

6,4

13,6

13,4

13,3

Srodmiescie, hyper-centre

44,9

63,3

67

41,7

46,4

26,1

Wola

9,3

7,7

7,4

13,6

17,5

17

Communes périphériques

13,7

8,1

8,5

15,5

9,3

23,0

Varsovie

100

100

100

100

100

100

Total des unités

432

714

94

206

97

165

Sources : calculs effectués à partir de Wilk (2001) et de Rzeczpospolita (2002).

* au 30/06/2000.

Carte 1 : Les communes de Varsovie entre 1994 et 2002

Carte 1

Mais au sein de la commune centrale, le choix de localisation des services supérieurs ne se fait pas au hasard. En effet, ces activités sont très sensibles aux interactions informationnelles et privilégient la proximité. A Varsovie, elles se localisent principalement dans le quartier le plus central, le quartier de Srodmiescie (l'hyper-centre). Ce quartier est également la première place de restauration et d'hôtellerie de la ville et le lieu où siègent les ministères.

Carte 2 : La commune centrale de Varsovie entre 1994 et 2002

Carte 2

L'hyper-centre peut être qualifié de centre des affaires. Sa domination dans les fonctions supérieures est très nette puisqu'il concentre plus de 40% des sociétés de conseil, des banques et des agences commerciales bancaires et plus de 63% des études d'avocats et notariées ( cf. tableau 4). Srodmiescie regroupe également 26% des sièges sociaux localisés à Varsovie (43 sièges), ce qui représente près de 9% des sièges des 500 plus grandes entreprises polonaises. La plupart relèvent de fonctions financières : l'hyper-centre rassemble la moitié des sièges d'entreprises financières de Varsovie. Ce quartier concentre aussi l'ensemble des sièges hôteliers de la capitale et 33,3% des sièges de Varsovie dans l'immobilier et les services aux entreprises. On y trouve également une part importante de l'activité de recherche et de développement de la ville (Bourdeau-Lepage & Huriot, 2003).

Deux autres quartiers centraux, Mokotow et Wola émergent dans la répartition urbaine des fonctions supérieures. Même si ces activités y sont moins concentrées que dans l'hyper-centre, elles y sont nettement plus présentes que dans les autres quartiers centraux ou communes périphériques de la ville. Ce sont essentiellement les sociétés de conseil et les banques qui s'y localisent. Wola regroupe une bonne part des sièges dans les secteurs de la finance et des transport et communication. Mokotow concentre des sièges dans la finance et dans le commerce de gros et de détail.

La polarisation des services supérieurs à Varsovie est renforcée par la forte concentration intra-urbaine de ces activités dans la capitale. L'espace des fonctions de décisions, de contrôle et de création est principalement réduit au quartier de Srodmiescie. Varsovie présente, dans ses grandes lignes, certains caractères qui font d'une ville une métropole. En facilitant les interactions internes et en favorisant les contacts nationaux ou internationaux, la capitale polonaise possède des atouts nécessaires (mais non suffisants) pour s'insérer dans le réseau des grandes villes mondiales.

4. SERVICES SUPÉRIEURS ET RÉSEAUX

Les réseaux urbains mondiaux regroupent des villes qui ont des fonctions globales plus ou moins étendues dans la coordination de l'activité économique. Le rôle joué par chacune de ces métropoles est le fruit d'un processus évolutif où la capacité d'adaptation est déterminante. Varsovie s'ouvre depuis peu à l'extérieur notamment avec la libéralisation du commerce et de l'activité économique. La perception de la ville qu'ont les décideurs économiques conditionne en partie le rôle et le rang que cette ville occupe dans le monde. D'autres éléments permettent de déterminer si la capitale polonaise fait partie des villes qui comptent dans le monde, notamment l'évaluation de sa position dans le réseau des métropoles, en particulier en termes de services « avancés » aux producteurs.

Les décisions des entreprises qui contribuent à faire l'avenir de Varsovie reposent sur l'image qu'ont les décideurs de l'attractivité de la ville pour les affaires et les investissements. Globalement, parmi les 30 villes qui montrent une attractivité significative en Europe, Varsovie se place au 26 ème rang en 2002. Cette enquête effectuée comme chaque année par une grande firme de conseils3 (Healey & Baker, 2002) apporte des résultats détaillés sur la place actuelle et future de chaque ville dans les représentations des responsables selon de nombreux critères.

Un quart des firmes interrogées reconnaissent avoir des bureaux, produire, distribuer ou vendre à Varsovie (12 ème place européenne). Selon les anticipations actuelles, on passerait en 2006 à un peu moins d'un tiers des firmes, ce qui placerait Varsovie au 7 ème rang. Cependant seulement un quart des répondants connaissent bien Varsovie et beaucoup souhaiteraient avoir plus d'informations sur cette ville, et pensent que Varsovie assure mal sa promotion. Les résultats détaillés par critère d'attractivité4 révèlent que Varsovie est peu attractive, par la qualité de l'environnement (pollution), la facilité des déplacements intra-urbains, la qualité de la vie et des télécommunications, la langue et l'accès aux marchés. Au contraire, elle est attractive surtout par le coût du personnel, le prix et la disponibilité des surfaces de bureau. Elle est moyennement attractive par les incitations gouvernementales et la disponibilité en personnel qualifié.

Ainsi, l'attractivité de Varsovie repose sur des faibles coûts plutôt que sur la qualité du milieu et des infrastructures. Elle est plus potentielle que réelle. Les observations et classements plus objectifs ont plutôt tendance à confirmer ces représentations.

D'abord, Varsovie reçoit effectivement des capitaux étrangers, proportionnellement plus que les autres villes polonaises. Près d'un quart des sociétés de droit commercial à participation étrangère se trouvent dans la capitale contre respectivement 4,6% à Wroclaw, 4,5% à Poznan ou encore 3,3% à Cracovie5.

Ensuite, sur le critère de la présence de services « avancés » aux producteurs, un inventaire mondial portant sur 123 villes est réalisé par le réseau Globalization and World Cities  (GaWC ; Beaverstock et alii , 1999). Les services considérés sont la comptabilité, la publicité, les services bancaires et juridiques. Pour chaque type de service, les villes sont classées en trois catégories : centres leaders (3 points), majeurs (2 points) ou mineurs (1 point), selon le degré de présence des plus grandes firmes internationales de cette activité. Les quatre classements sont synthétisés en attribuant à chaque ville une note de 1 à 12 égale à la somme des points obtenus dans les quatre classements. Les villes sont ensuite regroupées en fonction de leur score  en quatre grandes catégories : 10 Alpha World Cities (parmi elles : Londres, Paris et New-York), 10 Beta World cities (notamment Bruxelles, Madrid et Moscou), 35 Gamma World Cities et 67 Evidence of World City Formation (par exemple, Lyon, Vienne). Varsovie se trouve dans la catégorie des villes mondiales de troisième catégorie ( Gamma World Cities ) parmi 35 villes, avec une note de 5, juste après Amsterdam, Dusseldorf, Genève et Prague et à côté notamment de Rome et Stockholm, pour l'Europe. 35 villes seulement ont plus de 5 points. Varsovie est en bonne position (centre majeur) pour les services bancaires et les services juridiques. La ville est donc susceptible de tisser des liens plus ou moins étroits avec d'autres métropoles dans le monde.

L'intensité de ces contacts peut être évaluée à travers les relations qu'entretiennent les grandes firmes de services avancés aux producteurs (la publicité, la comptabilité, la banque et la finance, l'assurance, le conseil de gestion et le conseil juridique). Une étude de Taylor, Catalano et Walker a été menée en 2001, retenant 100 firmes6. L'intensité de présence d'une firme dans une ville est notée de 1 (absence de cette firme) à 5 (présence du siège social). Le degré de connectivité d'une ville dans le réseau des villes mondiales est d'autant plus important que les firmes présentes dans cette ville le sont aussi, premièrement dans un grand nombre d'autres villes et deuxièmement avec une intensité plus grande. Pour chacune des villes, le degré de connectivité est exprimé en pourcentage de la connectivité maximum, c'est-à-dire, de celle de Londres. Seules sont retenues les villes ayant un pourcentage supérieur à 20%, soit 123 villes sur les 316 initiales. Varsovie occupe une position intermédiaire, avec un degré de connectivité compris entre 0,4 et 0,49%. En Europe, seules six villes (en dehors de Londres) présentent un niveau de connectivité plus important (compris entre 0,5 et 0,89). Il s'agit de Paris, Milan, Madrid, Bruxelles, Francfort, et Amtersdam. Varsovie se range dans le même groupe que Zürich, Barcelone, Lisbonne, Vienne, Hambourg et Copenhague ou encore Prague, Budapest, Moscou, Istanbul, pour ne citer que des villes d'Europe.

La capitale polonaise est donc présente de façon significative dans le réseau des grandes villes mondiales. Elle fait partie des villes qui comptent à l'Est avec Budapest et Prague.

5. CONCLUSION

L'évolution récente de Varsovie a été marquée par d'importants changements. En une décennie, la ville s'est spécialisée dans les services supérieurs, s'est recomposée spatialement et s'est positionnée dans les réseaux globaux.

Elle a répondu à sa manière aux nouveaux besoins de coordination de l'activité économique. En Pologne, elle a été le terrain le plus fertile pour les investisseurs et les sociétés de services. Ses avantages initiaux tels que sa main-d'ouvre plus qualifiée que la moyenne polonaise, ses liaisons internationales mais également sa fonction de capitale, siège du pouvoir administratif et politique, ont joué un rôle essentiel. L'émergence de nouvelles activités économiques très demandeuses de contacts face-à-face a modifié l'organisation spatiale de la ville. La croissance des services supérieurs a contribué à rejeter à la périphérie les autres services et activités de production. La ville présente ainsi une forte concentration urbaine et intra-urbaine des fonctions de coordination de l'activité de marché. Ces éléments l'ont amenée à lier des relations avec d'autres villes du monde.

Varsovie est reconnue comme une ville mondiale qui dispose d'une bonne position pour les services bancaires et juridiques. Dans le réseau des grandes villes européennes, son rôle n'est pas négligeable. Avec Budapest et Prague, elle occupe une position stratégique dans les PECO. Elle constitue pour les investisseurs, un lieu d'entrée et de contact privilégié à l'Est. Varsovie dispose de certain atouts qui peuvent faire d'une ville une métropole, cependant elle ne bénéficie pas d'une bonne image et ne fait pas suffisamment sa promotion, ce qui réduit son rayonnement international.

BIBLIOGRAPHIE

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Bourdeau-Lepage L. 2002, « Varsovie entre agglomération et dispersion », Revue d'Economie Régionale et Urbaine , 5, 805-829.

Bourdeau-Lepage L. et J.-M. Huriot, 2003, "Metropolization in Warsaw. Economic Change and Urban Growth", Canadian Journal of Regional Science, à paraître.

Dowall D.E., Sadowy M. et A. Zalewski, 1994, Transformacja gospodarki warszawy i jej perspektywy (La transformation et les perspectives de l'économie de Varsovie), Warszawa : EFEKT.

Lehmann H., Wadsworth J., 1997, "New Jobs, worklessness and households in Poland" European Economic Review 41, 915-923.

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Glowny Urzad Statystycny (GUS), 2002, Miasta wojewódzkie - podstawowe dane statystyczne (Les villes capitales régionales, données statistiques de base) , nr 3-sierpien 2002 (n°3 d'août 2002), disponible en ligne : www.stat.gov.pl.

Healey & Baker, 2002, European Cities Monitor , London: Healey & Baker, Marketing Department, 40 pages.

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Taylor P.J., Catalano G., et Walker D.R.F, 2001, "Measurement of the World City Network", Research Bulletin 43c, GaWC, disponible en ligne www.lboro.ac.uk/gawc.

Urzad Statystyczny w Warszawie (USW), 2001, Rocznik Statystyczny Warszawy 2000 . (annuaire statistique de Varsovie 2000), Warszawa (Varsovie).

Wilk W., 2001, Czynniki lokalizacji i rozmieszczenie wybranych uslug w Warszawie (Facteurs de localisation et distribution spatiale de certains services r Varsovie) Varsovie : Université de Varsovie, Département de géographie et d'études régionales, 192 pages.

NOTES

* Lise Bourdeau-Lepage, LATEC/MSH, Université de Bourgogne, Dijon, France, lbourd@u-bourgogne.fr

1. Il s'agit d'une estimation car il est impossible d'évaluer exactement le nombre de travailleurs occupant un emploi tertiaire avant la transition, en raison des profondes différences entre l'ancien système statistique et celui utilisé actuellement, chacun étant lié au système économique en vigueur. Les chiffres de ces deux périodes sont donc à comparer avec beaucoup de prudence.

2. Une « grande ville » compte plus de 300 000 habitants. Il en existe 10 en Pologne avec Varsovie (voir liste dans le tableau 3).

3. L'enquête est réalisée auprès des responsables de 500 sociétés prises parmi les 15 000 plus grandes sociétés européennes.

4. Les questions sont en général du type « quelle est selon vous la meilleure ville pour le critère X ? Donnez votre premier, second et troisième choix ». Les 30 villes sont classées selon leur score, calculé à partir du nombre de réponses qui les retiennent, pondéré par le rang du choix.

5. Calculs effectués à partir de GUS (2001) et USW (2001).

6. Chaque firme est au moins présente dans 15 villes et sur plusieurs continents.


NOTES METHODOLOGIQUES

Les regroupements statistiques utilisées

Le découpage sectoriel repose sur la nomenclature européenne NACE 17, sur laquelle des regroupements ont été effectués. L'industrie (I) comprend les secteurs C, D et E de NACE 17 soit respectivement l'industrie extractive, l'industrie manufacturière ainsi que la production et la distribution d'électricité, de gaz et d'eau. La construction (C) correspond au secteur F. De plus, les Services Marchands (SM) regroupent les secteurs : G, commerce et réparation ; H, hôtels et restaurants ; I, transport et communications ; J, activités financières (FAI) ; K, immobilier, location et services aux entreprises (SE) ; O, les services collectifs, sociaux et personnels ; P, les services domestiques et Q les activités extra-territoriales. Les Services Non Marchands (SNM) rassemblent L, l'administration publique ; M, l'éducation et N, la santé et l'action sociale. N'est pas pris en compte le secteur primaire constitué des secteurs A et B de NACE 17 c'est-à-dire l'agriculture, la chasse et la sylviculture ainsi que la pêche et l'aquaculture.

La méthode de détermination de la spécialisation des zones à l'aide des quotients de localisation

Le quotient de localisation (QL) se définit comme le rapport de la part de l'activité i dans l'emploi de la zone j à la part que représente cette activité dans l'emploi de l'ensemble des zones. Le quotient de localisation equationde l'activité i de la zone j s'écrit sous la forme suivante :

equationavec :

equation: travailleurs de la zone j employés dans l'activité i

equation: total des travailleurs de la zone j

equation: total des travailleurs de l'ensemble des zones employés dans l'activité i

equation: total des travailleurs dans toutes les zones

Une valeur supérieure à 1 signifie que cette activité est plus concentrée dans cette zone que dans l'ensemble des zones ou encore que la zone en question est plus spécialisée dans cette activité que l'ensemble des zones.


Annexes

Tableau A1: La concentration (évaluée à partir des QL) de l'industrie-construction et des services dans les grandes villes polonaises (GV) en 1995 et en 2000.

Secteur

IC

Services

SM

SNM

Année

1995

2000

1995

2000

1995

2000

1995

2000

Varsovie

0,81

0,82

1,11

1,08

1,23

1,23

0,91

0,82

Bydgoszcz

1,26

1,34

0,85

0,85

0,77

0,79

0,98

0,95

Gdansk

1,07

1,09

0,96

0,96

0,92

0,86

1,03

1,14

Katowice

1,17

1,17

0,91

0,93

0,99

0,96

0,76

0,87

Cracovie

1,10

1,09

0,94

0,96

0,88

0,88

1,05

1,11

Lublin

0,93

0,93

1,04

1,03

0,85

0,77

1,35

1,49

Lodz

1,13

1,14

0,93

0,94

0,83

0,84

1,09

1,12

Poznan

1,05

1,02

0,97

0,99

0,94

0,99

1,01

0,99

Szczecin

0,98

1,04

0,99

0,97

1,01

0,91

0,95

1,07

Wroclaw

1,02

1,00

0,99

1,00

0,89

0,92

1,17

1,14

Total des GV

1,00

1,00

1,00

1,00

1,00

1,00

1,00

1,00

Source: calculs effectués en termes de nombre de travailleurs à partir de GUS (2002), tableau 23, p.42.

Tableau A2: La répartition sectorielle des travailleurs dans les grandes villes polonaises (GV) en 2001

 

Total

Industrie

Construction

Services Marchands dont

Services Non Marchands

Services

 

Total

FAI

SE

 

Varsovie

100

16,6

6,6

53,7

7,8

15,0

22,7

76,4

Bydgoszcz

100

34,6

7,0

30,4

3,3

11,4

27,1

57,5

Gdańsk

100

23,0

8,2

39,9

3,8

9,2

28,5

68,4

Katowice

100

25,7

8,3

43,3

4,5

11,7

22,5

65,7

Cracovie

100

21,6

9,3

39,9

3,4

11,2

28,9

68,7

Lublin

100

18,1

7,0

35,7

4,3

6,3

38,7

74,4

Lodz

100

29,3

4,7

37,4

3,6

9,7

28,3

65,7

Poznan

100

22,9

7,7

43,4

4,3

10,4

25,5

68,8

Szczecin

100

28,1

6,4

32,8

4,6

5,5

32,2

65,0

Wroclaw

100

20,5

7,7

41,9

5,0

11,6

29,5

71,4

Total des GV

100

21,8

7,2

44,0

5,3

11,7

26,5

70,6

Source: calculs effectués à partir de GUS (2002), tableau 5, p.18.

 

Tableau A3: Le poids des grandes villes polonaises (GV) dans les différentes activités en 2001

Total

en %

Industrie

Construction

Services Marchands

Services Non Marchands

Services

Total

dont :

FAI

SE

Varsovie

33,7

25,5

31,2

41,0

49,3

43,1

28,8

36,4

Cracovie

11,1

10,9

14,3

10,0

7,2

10,6

12,0

10,8

Poznan

9,8

10,3

10,5

9,7

7,9

8,7

9,4

9,6

Lodz

9,4

12,6

6,2

8,0

6,3

7,9

10,1

8,8

Wroclaw

8,5

8,0

9,1

8,1

8,0

8,4

9,5

8,6

Katowice

6,9

8,1

7,9

6,8

5,8

6,9

5,9

6,4

Gdansk

6,1

6,4

7,0

5,5

4,4

4,8

6,6

5,9

Bydgoszcz

5,0

7,9

4,8

3,4

3,1

4,8

5,1

4,0

Szczecin

5,0

6,4

4,4

3,7

4,2

2,3

6,0

4,6

Lublin

4,6

3,8

4,5

3,7

3,7

2,5

6,7

4,9

Total des GV

100

100

100

100

100

100

100

100

Source: calculs effectués en termes de nombre de travailleurs à partir de GUS (2002), tableau 5, p.18.


Edited and posted on the web on 23rd April 2004


Note: Forthcoming in A. Torre and A. Rallet, Proximités et agglomérations urbaines