GaWC Research Bulletin 137

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This Research Bulletin has been published in Revue d'Économie Régionale & Urbaine, (2), (2007), 179-200.

Please refer to the published version when quoting the paper.


(Z)

Les villes dans les réseaux mondiaux: une nouvelle méthodologie pour cartographier la position relationnelle des villes

B. Derudder*, F. Witlox* and P.J. Taylor**

 

Résumé

Ces dernières années, il est devenu courant de considérer que les villes importantes doivent une part non négligeable de leur statut à leur position dominante dans les réseaux mondiaux. En raison d’un manque de données adéquates, il s’avère cependant très difficile dans la pratique d’analyser de tels réseaux urbains transnationaux. L’objectif principal de cet article consiste à proposer une méthodologie qui permet de cartographier de façon effective la position relationnelle des villes. Cette méthodologie est basée sur l’observation que les villes sont reliées entre elles par des réseaux de bureaux de sociétés de services de production. La méthodologie présentée ici est située dans le cadre de la recherche empirique récente sur les réseaux urbains, et les résultats sont illustrés à partir des réseaux d’entreprises qui relient Paris et Lyon à d’autres villes importantes.

Mots clés:
réseaux urbains, relations, villes mondiales, connectivité, hintermondes

Keywords:
urban networks, relations, world cities, connectivity, hinterworlds


I. INTRODUCTION

Dans ce qui est devenu l’un des ouvrages de référence sur la géographie urbaine, Ullman et Harris (1945) nous rappellent que les relations interurbaines sont, en un sens, la raison d’être des villes : une ville qui fonctionne individuellement, cela n’existe pas. C’est pourquoi Ullman et Harris (1945) définissent les relations externes qu’entretient une ville avec d’autres villes comme étant la seconde nature d’une ville, après les relations internes qui forment leur nature fondamentale. Depuis la parution de leur ouvrage de référence, l’intérêt pour les relations interurbaines est toujours resté plus ou moins présent en géographie urbaine. Cependant, on peut constater que la recherche récente sur la ‘mondialisation’ et les ‘villes mondiales’ a donné à l’étude des réseaux urbains un certain nombre d’impulsions nouvelles. En effet, il existe une interprétation évidente des processus actuels de mondialisation selon laquelle d’importantes relations sociales, économiques et culturelles se déploient dans une mesure croissante par-delà les frontières nationales (Dicken, 2003). Cette restructuration économico-géographique implique directement que de telles relations transnationales ne se greffent plus sur des états territoriaux, mais s’organisent plutôt à partir de ‘villes mondiales’ (Sassen, 2001). Dans cette perspective, les réseaux qui relient les villes mondiales entre elles sont cruciaux pour comprendre la structure géographique de l’économie mondiale (cf. Dupuy, 1991 ; Petrella, 1995 ; Castells, 1996 ; Veltz, 1996, 2005 ; Scott, 1998, 2001).

L’intérêt pour les processus de mondialisation a donc contribué à ce que l’idée d’un ‘réseau urbain mondial’ gagne rapidement en importance. Cependant, on peut tout de suite constater que l’identification empirique d’un tel réseau urbain est fort problématique : les données permettant de cartographier les relations transnationales interurbaines sont très rares1. En conséquence, bien que la littérature contienne bon nombre de références relatives aux réseaux urbains, nous n’avons qu’une connaissance très limitée de la manière dont les villes sont interconnectées. Il semble donc y avoir une énorme divergence entre la théorie et les données empiriques (Cattan, 2004). L’objectif principal de cette note de recherche consiste à proposer une méthodologie qui peut contourner ce manque structurel de données. Cette méthodologie a été développée au sein du groupe de recherche GaWC (Globalization and World Cities Study Group and Network, http://www.lboro.ac.uk/gawc), lié à l’université de Loughborough, et est basée sur l’observation de Saskia Sassen (2001) que les villes importantes sont reliées entre elles par des réseaux de bureaux de sociétés de services de production.

La méthodologie présentée ici fait partie d’un domaine de recherche en forte croissance qui tente de saisir la construction relationnelle de l’espace géographique en des termes empiriques. C’est pourquoi, dans un premier temps, nous situerons notre approche dans le cadre de la recherche empirique existante – qui connaît un développement rapide – sur les réseaux urbains transnationaux. Ensuite, nous commenterons les sources de données que nous avons utilisées et la méthodologie à proprement parler. La pertinence, les possibilités et les inconvénients potentiels de notre approche seront illustrés par une application de notre approche sur les relations mondiales interurbaines de Paris et de Lyon.

II. Sources de données pour l’identification des réseaux urbains mondiaux

Dans ce paragraphe, nous situerons notre méthodologie dans le cadre de la recherche empirique existante sur les réseaux urbains mondiaux. Il n’y a pas ou peu de sources de données facilement disponibles permettant de cartographier l’ampleur des flux entre villes, et cette situation a donné lieu à un certain nombre d’études qui tentent de corriger cette situation problématique par le biais de collectes et de constructions spécifiques de données. A cet effet, les chercheurs se sont servis de sources de données fort diverses, mais il est néanmoins possible de distinguer deux approches dominantes (Derudder et Witlox, 2006) : (i) une approche qui se concentre sur les stratégies d’implantation des entreprises multinationales, et (ii) une approche qui se sert d’informations sur les réseaux mondiaux d’infrastructure (voir tableau 1)2.

 

Tableau 1: Une taxonomie des approches empiriques (basée sur Derudder et Witlox, 2006).

Indicateurs

Sociétés

Infrastructure

Sociétés de services

Multinationales (général)

Télécommunication

Aviation

 

Exemples

 

Beaverstock et al. (1999)

 

Taylor et Hoyler (2000)

Alderson et Beckfield (2004)

 

Rozenblat et Pumain (2006)

Camagni et al. (1994)

 

Townsend

(2001)

 

Dupuy (2004)

 

Smith et Timberlake (2001)

 

Cattan (2004)

 

 

Derudder et Witlox (2005)

 

 

L’approche axée sur les entreprises part du constat que les réseaux urbains mondiaux prennent forme surtout par le biais des stratégies d’implantation des entreprises au rayon d’action transnational. Par conséquent, les études empiriques dans le cadre de cette approche prennent invariablement la forme d’une analyse de l’agrégation des stratégies géographiques des entreprises multinationales. Ainsi, Alderson et Beckfield (2004, p. 814) décrivent le réseau urbain mondial à partir des relations entre les quartiers généraux et les filiales des multinationales, tandis que Beaverstock et al. (1999) font démarrer leur analyse empirique du constat que ce sont surtout les grandes sociétés de services qui façonnent la structure des réseaux urbains mondiaux par leur implantation mondiale. Indépendamment des points de départ parallèles d’Alderson et Beckfield (2004) et de Beaverstock et al. (1999), leur recherche diffère par le type d’entreprises incluses dans le cadre d’analyse : Beaverstock et al. (1999) se servent exclusivement des données concernant les sociétés de services (voir également Taylor et Hoyler, 2000), tandis qu’Alderson et Beckfield (2004) se concentrent sur les grandes multinationales indépendamment des secteurs spécifiques dans lesquels elles opèrent (voir aussi Rozenblat et Pumain, 2006).

On peut ramener la philosophie de base de l’approche axée sur l’infrastructure au constat que la présence de réseaux d’infrastructure peut être considérée comme un déterminant important pour le potentiel économique des villes. Ce second point de vue se base sur la prémisse que de tels réseaux d’infrastructure peuvent être utilisés pour analyser un réseau urbain mondial. Dans l’approche infrastructurelle aussi, on peut distinguer deux points de vue différents. D’une part, un certain nombre d’études se concentrent sur l’infrastructure de transport (surtout l’aviation, cf. Smith et Timberlake, 200 ; Cattan, 2004 ; Derudder et Witlox, 2005), et d’autre part, il y a des études qui mettent l’accent sur l’infrastructure de télécommunication et des réseaux informatiques (internet) (cf. Camagni et al., 1994 ; Townsend, 2001 ; Dupuy, 2004).

Lorsqu’on compare ces deux approches, il est évident que l’approche infrastructurelle présente l’avantage incontestable de permettre de rassembler les données relativement facilement : on peut facilement demander les données sur le nombre de passagers voyageant entre deux villes auprès d’instances comme l’ICAO (International Civil Aviation Organization). Ceci contraste fortement avec les études menées selon l’approche basée sur les entreprises, dans lesquelles les données relationnelles doivent être construites (cf. Rozenblat et Pumain, 2006), ou dans lesquelles des données non relationnelles sont supposées donner une estimation pertinente de données relationnelles (cf. Beaverstock et al., 1999). Les études menées selon l’approche infrastructurelle ont cependant, à leur tour, deux inconvénients. Premièrement, il est difficile d’estimer dans quelle mesure les relations constatées sont pertinentes dans le cadre conceptuel de la recherche sur les villes mondiales, qui est axée sans ambiguïté sur l’importance économique des villes : les flux aéronautiques au départ de Paris et vers Paris ont trait tant au trafic d’affaires qu’au tourisme, et il n’est donc pas simple de conclure sur base de telles données dans quelle mesure une ville fait office de point focal de relations économiques transnationales fort spécifiques. Le second inconvénient, c’est que les flux aéronautiques n’offrent pas une représentation univoque des relations interurbaines, mais aussi, et peut-être surtout, des relations entre régions voire entre pays : le trafic aéronautique au départ de Bruxelles et vers Bruxelles est en réalité le trafic au départ de la Belgique et vers la Belgique. Comme les grandes infrastructures aéroportuaires et de télécommunication se trouvent souvent à proximité des villes importantes, il se crée un effet trompeur tendant à faire croire que cette infrastructure n’a trait qu’à cette seule ville.

En résumé, on peut dire que les études menées dans le cadre de l’approche infrastructurelle présentent l’avantage que les données requises peuvent être obtenues et interprétées relativement facilement, tandis qu’elles ont, par ailleurs, l’inconvénient que ces données présentent souvent une certaine faiblesse conceptuelle et ont trait aux régions plutôt qu’aux villes. Cette faiblesse conceptuelle est d’ailleurs la raison pour laquelle des chercheurs comme Alderson et Beckfield (2004) et Rozenblat et Pumain (2006) se servent de collectes et de constructions de données complexes. Cependant, leurs études se basent, comme nous l’avons dit au début de ce paragraphe, sur les relations entre quartiers généraux et filiales d’entreprises multinationales sans faire de distinction selon le secteur spécifique dans lequel opèrent ces entreprises. Même s’il s’agit là d’une approche tout à fait valable (pour plus de détails, voir Derudder, 2006), on peut constater que cette approche ne correspond pas au cadre de référence conceptuel de Saskia Sassen, par exemple, qui est sans conteste l’une des chercheuses les plus importantes dans ce domaine d’étude. Le point de départ de Sassen (1995, 2000, 2001) est l’observation que les technologies modernes de (télé)communication ont fait en sorte que les quartiers généraux des grandes multinationales ne sont pas nécessairement liés à une implantation centrale dans des villes importantes. Selon elle, cela implique que les villes mondiales ne sont pas définies par la présence de quartiers généraux de multinationales comme l’affirment Alderson et Beckfield (2004) et Rozenblat et Pumain (2006), mais plutôt par la présence de sociétés de services de production avancés, tels que la comptabilité, la finance, les assurances, la publicité et les relations publiques, le conseil juridique et la consultance (pour une analyse plus détaillée de l’importance persistante de la centralité urbaine dans ce contexte, voir également Gaschet et Lacour, 2002 ; May, 2000).

En plus des analyses d’Alderson et Beckfield (2004) et de Rozenblat et Pumain (2006), il convient donc de mettre en œuvre une analyse qui se concentrerait spécifiquement sur les stratégies d’implantation des sociétés de services de production avancés, ce qui est précisément l’objectif du reste de cet article3 . Dans notre analyse, nous suivrons Sassen et nous conceptualiserons les villes comme complexes constitués de services de production avancés. Puisque beaucoup de ces services ne peuvent être offerts à grande distance, la plupart des entreprises ont décidé de les proposer à leurs clients au travers de bureaux régionaux, qui forment ensemble le réseau de l’entreprise. Le but est d’offrir des services spécifiques à chaque client, où qu’il se trouve, et quelle que soit la complexité d’un projet. Chaque ville mondiale sera par conséquent constituée d’un mélange particulier de bureaux offrant des services de production avancés. En bref, le réseau mondial des villes est un amalgame complexe de réseaux d’entreprises constitués par leurs bureaux, situés dans différentes villes. Avant de commenter notre méthodologie en détail, nous fournissons un aperçu des données que nous utiliserons en vue de cartographier le réseau urbain mondial.

III. Données

Les données rassemblées par le GaWC ont trait à la présence de 100 sociétés de services de production dans 315 villes (Taylor et al., 2002). La sélection des sociétés de services de production s’est faite en trois étapes : (i) une liste a été dressée des principales sociétés dans les six principaux secteurs (services juridiques, services financiers, comptabilité, consultance, assurances, publicité) ; (ii) pour les principales sociétés dans chacun des secteurs, nous avons vérifié si le site web donnait des informations quant à la présence de la société dans différentes villes ; et (iii) une société n’a été retenue que s’il était question d’une importante présence ‘mondiale’, c’est-à-dire si la société avait des bureaux dans plus de 15 villes, avec à chaque fois au moins un bureau en Amérique du Nord, en Europe occidentale et en Asie Pacifique. Sur base de ces critères, nous avons opéré une sélection de 100 sociétés qui (i) occupent une position importante dans leur secteur, (ii) fournissent sur leur site web des informations sur leur stratégie d’implantation, et (iii) disposent d’un réseau de bureaux déployé dans le monde entier. Ces 100 sociétés sont réparties de façon relativement homogène sur les différents secteurs mis en avant par Sassen (2001, p. 90) : il y a 18 sociétés de comptabilité, 15 sociétés de publicité, 23 sociétés du secteur financier, 11 compagnies d’assurances, 16 sociétés du secteur juridique et 17 sociétés de consultance (voir en annexe pour une liste par secteur des sociétés sélectionnées).

Même si les principales sociétés de services ont des bureaux dans des centaines, voire parfois des milliers de villes, la collecte d’informations s’est limitée à une sélection de 315 villes. Cette sélection initiale a été jugée nécessaire pour des raisons pragmatiques et analytiques : non seulement le relevé de la totalité des implantations représente une tâche immense, mais il n’est même pas nécessairement utile. Si seule une poignée de sociétés de services organisées mondialement sont présentes dans une ville, les divers agents susceptibles de générer des relations vers la ville et à partir de celle-ci sont trop peu axés sur le marché mondial pour pouvoir faire état d’une appartenance significative au réseau. D’autres études ont également laissé de côté des villes pour la même raison. Le choix des 315 villes a été fait sur base de résultats d’une recherche antérieure du GaWC, et il englobe également toutes les capitales (à l’exception des capitales des plus petits des pays).

La collecte de données sur les stratégies d’implantation des sociétés de services de production est simplifiée par le fait que la publication de leur réseau de bureaux représente pour elles un élément important de leur stratégie marketing (voir figure 1). Pour de telles sociétés, il est non seulement important d’être présentes dans les ‘bonnes’ villes, mais il est également crucial que leurs clients potentiels sachent qu’elles y sont présentes. Pour résumer, la stratégie d’implantation de ce type de société est généralement transparente, et notre construction de données est essentiellement basée sur ce constat. Le site web est une façon assez évidente pour ce genre de société de mettre en évidence sa présence mondiale, et on trouve par conséquent sur ces sites une option qui permet de vérifier dans quelles villes la société est implantée (soit par le biais d’une simple liste, soit sur une mappemonde, soit grâce à un moteur de recherche, …, voir figure 2 pour Deloitte, Touche & Tohmatsu). Pour chacune de ces 100 sociétés, nous avons vérifié si elles étaient présentes dans chacune des 315 villes, et nous avons relevé toutes les informations pertinentes sur l’importance de cette présence. Il n’existe bien entendu aucun critère simple et/ou cohérent pour vérifier en quoi consistent ces informations ; par conséquent, le type de renseignements qui ont été relevés est spécifique à chaque société. Cependant, nous avons accordé une attention particulière à deux indicateurs : (i) les renseignements éventuels sur la taille du bureau (par exemple le nombre d’associés dans le cas d’un bureau d’avocats), et (ii) d’éventuelles informations sur les fonctions supralocales (par exemple la mention d’une certaine fonction de quartier général).

 

Figure 1: Publicité de la société de consultance Deloitte à l’aéroport de Schiphol (17/4/2004).

 

Figure 2: Moteur de recherche sur le site web de Deloitte, Touche & Tohmatsu (consulté le 12/9/2005).

 

La dernière étape de notre collecte de données correspond à la production des données à proprement parler : les informations pluriformes et spécifiques aux entreprises collectées par le biais des sites web ont été transformées en ‘valeurs des services’ uniformes (désignées par v ij) contenues dans un intervalle [0,5]. Les valeurs v ij indiquent l’importance de la ville i dans le réseau constitué par les bureaux de l’entreprise j. Cette conversion doit se faire sur base d’une procédure aussi rigoureuse que possible, car le contenu exact des informations fournies peut varier fortement d’une société à l’autre, notamment en raison de la diversité des appellations de fonctions comme ‘key office’, ‘main branch’, ‘global office’, ‘international office’, ‘hub office’, ‘major operation office’, ‘competence centre’, ‘asset management center’, ‘global investment service center’ ,... et des références à des bureaux qui ont des ‘international trade contacts’, ‘international contacts’, ‘multinational corporate customers’,... La transformation des informations en données s’est faite sur base d’une procédure itérative d’attribution de scores dans laquelle nous avons distingué six niveaux. Les deux valeurs extrêmes sont les plus faciles à déterminer : v ij prenait la valeur 0 si la société n’est pas présente dans une ville, et la valeur 5 si le bureau est le quartier général mondial de l’entreprise. Les scores intermédiaires sont délimités sur base du postulat que l’absence d’informations spécifiques concernant une taille exceptionnelle et/ou des fonctions extraterritoriales implique qu’il s’agit d’un bureau ‘normal’ ou ‘typique’. Les bureaux de ce type se sont vu attribuer un v ij de 2. Ce score n’a été modifié ensuite que lorsqu’il y avait des raisons de supposer qu’il s’agit d’un bureau aux caractéristiques bien spécifiques, étant entendu que cette spécificité a été jugée société par société. Ainsi, la valeur de v ij pouvait être réduite à 1 s’il y avait des raisons de supposer que la présence de l’entreprise est minime (par exemple, des coordonnées de contact qui renvoient les clients potentiels à un autre bureau). L’augmentation de v ij à 3 ou 4 se faisait sur base d’informations sur une taille exceptionnelle (par exemple un grand bureau) et sur d’éventuelles fonctions supraterritoriales (par exemple un quartier général régional). En d’autres termes, une ville ne pouvait obtenir une valeur des services v ij de 4 que s’il est question d’un très grand bureau et d’une fonction supraterritoriale particulière. Le résultat final de cette transformation est une matrice V ij de 315 x 100 avec 31500 valeurs des services v ij situées entre 0 et 5. Ces données sont loin d’être ‘parfaites’, puisqu’elles dépendent notamment de la sélection initiale d’entreprises et de secteurs, des informations fournies sur les sites web, de la subjectivité dans la transformation des informations en données,…, mais de manière générale, les données semblent offrir un aperçu acceptable des stratégies mondiales d’implantation de 100 sociétés de services importantes dans 315 villes potentiellement intéressantes.

Après la récolte des données, nous effectuerons une analyse en deux étapes. D’abord nous établirons la connectivité totale pour ensuite nous intéresser à la décomposition de celle-ci en relations externes individuelles.

IV. Connectivité totale

Pour mieux comprendre la suite de l’analyse, nous utiliserons un exemple numérique basé sur Taylor (2001a,b). Tous les calculs trouveront leur origine dans le tableau 2. Comme nous le faisions remarquer au paragraphe précédent, les valeurs v ij indiquent l’importance de la ville i dans le réseau constitué par les bureaux de l’entreprise j. Chaque colonne représente la stratégie mondiale d’une entreprise, tandis que chaque rangée représente l’ensemble des services offerts dans une ville. Ici l’attention se portera sur les rangées. Il est utile de remarquer que la somme effectuée pour chaque rangée représente uniquement l’importance d’une ville et ne dit rien concernant les relations entre les villes.

Tableau 2: valeurs des services (vij ) pour 3 villes et 4 entreprises

 

Entreprise 1

Entreprise 2

Entreprise 3

Entreprise 4

Paris

5

3

5

2

Lyon

1

2

0

5

Bruxelles

2

0

3

0

 

 

Si nous supposons qu’il n’existe actuellement aucune information relative aux flux entre les entreprises situées dans différentes villes, l’élément relationnel de base r ab,j pour chaque paire de villes est dérivé de la matrice Vij :

r ab,j = v aj . v bj (1)

 

Cette équation définit la relation entre les villes a et b pour la société j. Le calcul de l’importance de la relation entre deux villes en tant que produit des valeurs des services est la pierre angulaire de la spécification d’un hintermonde mise en avant ici, et repose implicitement sur les postulats suivants : plus un bureau est important, plus il aura de connexions avec d’autres bureaux faisant partie du même réseau d’une société. Cette approche est raisonnable si on fait les suppositions suivantes : premièrement, les bureaux génèrent plus de flux avec d’autres bureaux faisant partie du même réseau d’une entreprise spécifique qu’avec d’autres entreprises du secteur. Deuxièmement, plus les bureaux sont importants, plus ils généreront des flux. Ceux-ci ont un effet multiplicatif sur les relations interurbaines (Derudder et Taylor, 2005).

Afin de calculer la connectivité totale de Bruxelles par exemple, nous devons d’abord connaître la contribution livrée par chaque ville i et chaque entreprise j à la connectivité totale de Bruxelles. En appliquant l’équation (1), nous obtenons une contribution de 2 et de 10 pour la société 1 pour les relations Lyon-Bruxelles et Paris-Bruxelles.

La figure 3 visualise les flux entre les bureaux de l’entreprise 1, situés à Paris, Lyon et Bruxelles. En d’autres termes, elle schématise les résultats de l’équation (1). Notons que la direction des flèches n’a pas (encore) d’importance à ce stade. Ceci implique par exemple que le flux entre le bureau de Bruxelles et celui de Paris est identique au flux entre Paris et Bruxelles.

 

Figure 3: La taille des flux entre les bureaux (situés à Paris, Lyon et Bruxelles) de l’entreprise 1.

 

Si ensuite nous faisons une agrégation de la contribution livrée par une société j dans les relations entre Bruxelles et toutes les autres villes (‘x’ dans la formule), nous obtenons la contribution totale que cette société apporte à la connectivité de Bruxelles.

r Bruxelles, j = ∑ r Bruxelles -x, j (2)

 

Dans notre exemple, cela revient à dire que la société 1 présente une contribution de 12 (= 2x1+2x5) dans la connectivité totale de Bruxelles, une contribution de 7 (= 1x5+1x2) dans la connectivité totale de Lyon et de 15 (= 5x1+5x2) dans la connectivité totale de Paris.

En faisant la somme de ces chiffres pour toutes les entreprises, nous obtenons la connectivité totale du réseau (des entreprises) de Bruxelles (CTR = Connectivité Totale du Réseau).

CTR Bruxelles = ∑ r Bruxelles, j (3)

 

Dans notre exemple, ceci résulte dans une CTR de 27 (= 12+0+15+0) pour Bruxelles, de 23 (= 7+6+0+10) pour Lyon et de 46 (= 15+6+15+10) pour Paris. Ces CTR peuvent ensuite être exprimées en fonction de la CTR la plus élevée, c’est à dire celle de Paris. Nous obtenons ainsi une CTR de 1 pour Paris, de 0,5 pour Lyon et de 0,59 pour Bruxelles.

Il est important de souligner que les résultats CTR de cette approche ne sont pas nécessairement une simple résultante des valeurs agrégées des services. Cette différence notable s’illustre par le fait que bien que la valeur totale des services de Lyon soit plus élevée que celle de Bruxelles (8 comparé à 5), cette dernière est plus fortement connectée que Lyon (0,59 par rapport à 0,5). Ceci s’explique par la contribution limitée que livre le siège de la société 4 dans la CTR de Lyon. La raison en est la stratégie mondiale restreinte poursuivie par la société 4. Effectivement, elle n’a pas d’implantations à Bruxelles et n’a qu’une faible présence à Paris. De ce fait, la société 4 ne contribue que très peu à la réalisation de Lyon en tant que ville mondiale.

 

Tableau 3: La connectivité totale des 20 villes les plus importantes dans l’économie mondiale.

 

Ville

Connectivité totale du réseau (CTR)

1

Londres

1

2

New York

0,98

3

Hong Kong

0,71

4

Paris

0,70

5

Tokyo

0,69

6

Singapour

0,65

7

Chicago

0,62

8

Milan

0,60

9

Los Angeles

0,60

10

Toronto

0,59

11

Madrid

0,59

12

Amsterdam

0,59

13

Sydney

0,58

14

Francfort

0,57

15

Bruxelles

0,56

16

Sao Paolo

0,54

17

San Francisco

0,51

18

Mexico city

0,49

19

Zürich

0,48

20

Taipei

0,48

 

Le tableau 3 présente les résultats CTR dans le cas où les formules (1-3) sont appliquées sur la totalité de notre base de données, et démontre que Londres et New York sont les villes mondiales possédant la plus grande zone d’influence. La figure 4 représente la connectivité totale (CTR) des 123 villes les plus connectées (nous avons défini la limite aux villes qui avaient une CTR au moins égale à 20% de celle de Londres, la ville la plus connectée ; dans la suite du présent article, nous nous intéresserons uniquement à ces 123 villes). La figure est ainsi construite que les Etats-Unis se trouvent à l’ouest, l’Europe et l’Afrique au centre, et l’Asie ainsi que l’Australie à l’est, comme sur une mappemonde. Une interprétation simpliste peut être formulée à première vue. Effectivement, nous voyons la traditionnelle césure entre le Nord et le Sud. Les villes du Nord ont tendance à être plus connectées que les villes du Sud. Outre cette division Nord-Sud, il est clair que la figure 4 illustre les trois zones clé de l’économie mondiale : l’Amérique du Nord, l’Europe occidentale et l’Asie Pacifique. En ce qui concerne l’Europe occidentale, nous observons que cette région possède plus de villes mondiales que les autres régions et que les niveaux de connexion sont très variés. Cela signifie qu’un grand nombre de villes dont l’importance varie largement sont incluses dans le réseau de villes mondiales. Ceci est exactement à l’opposé de l’Asie Pacifique, qui compte beaucoup moins de villes (dans le réseau de villes mondiales). Les connectivités pour ce nombre réduit de villes sont très similaires. La plupart des autres villes ont des connectivités largement inférieures à celles des villes considérées comme des villes mondiales. L’Amérique du Nord se situe entre ces deux régions en ce qui concerne le nombre de villes incluses dans le réseau. Les niveaux de connectivité sont similaires à ceux de l’Europe de l’Ouest, à la différence près que les villes fortement connectées en Amérique du Nord se situent à l’est ou à l’ouest de cette région, les villes du centre étant peu connectées. En Europe de l’Est, seules les capitales des plus grands pays jouent un rôle de villes mondiales. La première ville française est Paris et se trouve en 5 ème position avec une CTR de 0,699. La seconde et dernière ville française est Lyon, qui se trouve en 94 ème position avec une CTR de 0,24.

 

Figure 4: La connectivité totale du réseau (CTR), pour 123 villes

L’explication des abréviations se trouve en annexe.

V. Relations interurbaines

Comme nous avons pu le constater dans le paragraphe précédent, la CTR d’une ville indique si celle-ci est fortement ou faiblement connectée dans l’ensemble, mais elle ne nous permet pas de connaître les relations individuelles des villes. Dès lors, le but de ce paragraphe est de décomposer la CTR en relations externes individuelles. C'est-à-dire que nous analyserons avec quelles autres villes une ville spécifique est connectée et avec quelle intensité. Pour ce faire, nous nous servirons du concept d’‘hintermonde’ (Taylor, 2001b).

Pour analyser les relations individuelles, il s’agit de calculer d’abord la valeur maximale des services qui pourrait être obtenue dans les villes. Pour Paris, cela revient à une valeur de 20 (4 entreprises sont présentes à Paris et pourraient chacune avoir une valeur maximale de 5), tandis que pour Lyon et Bruxelles, cela revient respectivement à 15 et à 10. La deuxième étape consiste à calculer la valeur des services pour chaque ville autre que la ville d’origine, mais uniquement si l’entreprise est présente dans la ville d’origine. Si nous prenons comme ville d’origine Paris, le score total pour Lyon est de 8 (= 1+2+0+5) et de 5 (= 2+0+3+0) pour Bruxelles. Si la ville d’origine est Lyon, le score total de Paris est de 10 (= 5+3+2) et de 2 (= 2+0+0) pour Bruxelles. Avec Bruxelles comme ville d’origine, nous obtenons un score de 10 (= 5+5) pour Paris et un score de 1 (= 1+0) pour Lyon. Dans la dernière étape, ces scores sont exprimés en proportion de la valeur maximale des services qui pourrait être attendue. Avec Paris comme ville d’origine, cela revient respectivement à 0,4 (=8/20) et à 0,25 (=5/20) pour Lyon et Bruxelles. Pour Lyon comme ville d’origine, nous obtenons une valeur de 0,67 (=10/15) pour Paris et 0,13 (=2/15) pour Bruxelles. Avec Bruxelles comme ville d’origine, la valeur est de 1 (=10/10) pour Paris et de 0,10 (=1/10) pour Lyon.

 

Tableau 4: L’hintermonde absolu de 3 villes mondiales (calculs à partir du tableau 2)

 

Paris

Lyon

Bruxelles

Paris

-

0,67

1,00

Lyon

0,40

-

0,10

Bruxelles

0,25

0,13

-

 

Le tableau 4 s’interprète de la manière suivante : les colonnes définissent le niveau de services auquel une entreprise peut s’attendre lorsqu’elle décide de faire des affaires à partir de la ville d’origine (située dans les colonnes) avec une entreprise située dans une ville qui est reprise dans les rangées. Les colonnes représentent les liens qui sont à la base de la description de l’hintermonde absolu d’une ville. Dans notre exemple, cela reviendrait à dire que si quelqu’un décide de faire des affaires à Lyon à partir de Paris, le niveau attendu de services est égal à 0,40. Si par contre quelqu’un décide de faire des affaires à Paris à partir de Bruxelles, il est sûr de pouvoir le faire sans problèmes (la probabilité qu’il y ait une relation entre Bruxelles et Paris est égale à 1). Le fait que la valeur soit égale à 1 dans notre exemple, implique que les deux sociétés implantées à Bruxelles (sociétés 1 et 3) ont chacune leur siège à Paris. La plus petite valeur est celle pour la connexion entre Bruxelles et Lyon. Seule l’entreprise 1 possède des bureaux tant à Lyon qu’à Bruxelles, mais la taille des bureaux est tellement réduite (ils ont un v ij de 1 pour Lyon et de 2 pour Bruxelles) que les flux entre eux sont minimes.

Si on fait le même exercice pour les 123 villes et les 100 entreprises, nous remarquons que les niveaux de services de Paris varient entre 0.74 à Londres, 0.71 à New York et 0.09 à Zagreb et à Lagos. Pour Lyon, les niveaux de services oscillent entre 0.79 à Londres, 0.71 à New York, 0.18 à Zagreb et 0.17 à Lagos. En d’autres termes, les entreprises peuvent s’attendre à être ‘bien’ servies si elles font des affaires avec Londres et New York, tandis que le service sera plutôt faible si leurs affaires les mènent à Zagreb ou à Lagos (à partir de Paris et/ou Lyon). Notons que les connexions vers des villes telles que Zagreb et Lagos ne sont pas inexistantes. Ceci implique que l’hintermonde de ces cités est bel et bien mondial, même s’il est moins intense que pour les autres villes.

Bien que les hintermondes ne soient pas une bonne représentation de la connectivité totale d’une ville, nous observons une forte corrélation (allant jusque r = 0.98)  entre ces deux données. Ainsi, la représentation cartographique de l’hintermonde absolu de Paris, Lyon, etc. sera à peu près la même que celle de la connectivité totale du réseau (CTR) (voir figure 4). Ceci s’explique par le fait que la plupart des villes suivent une même tendance ; elles sont fortement connectées entre autres avec Londres et New York (qui sont des villes fortement connectées en général) et faiblement avec entre autres Kiev et Zagreb (qui sont des villes faiblement connectées en général). Bien que la représentation cartographique de l’hintermonde absolu d’une ville ressemblera étrangement à celle de la CTR, elle ne sera néanmoins pas identique à celle-ci.

Afin d’obtenir une représentation claire de la structure spatiale qui est présente dans l’ensemble des relations interurbaines, il faut donc éliminer la tendance selon laquelle il existe une forte relation avec les villes largement connectées (ayant une CTR élevée) et une faible relation avec les villes moins connectées (ayant une faible CTR). En d’autres termes, il est nécessaire d’éliminer la grande influence exercée par la connectivité totale du réseau (CTR). Dans ce but, nous mettons en graphique l’hintermonde absolu d’une ville en fonction de la CTR de cette ville. Nous obtenons une relation linéaire positive de la forme y = a + bx (+ Ri), ‘y’ étant la valeur absolue de la provision (de services) d’une ville, ‘x’ la CTR et ‘Ri’ les résidus. En d’autres termes, la CTR est considérée comme variable indépendante, tandis que la provision de services est la variable dépendante. Cette relation fortement positive signifie que plus la connectivité totale d’une ville est élevée, plus cette ville offrira des services à d’autres villes.

Les résidus par rapport à la régression linéaire représentent l’hintermonde relatif d’une ville. Si ces résidus sont positifs, ceci démontre que la ville est plus intensément desservie que prévu par sa CTR. Les résidus positifs seront appelés des supra-connexions, les résidus négatifs des infra-connexions. Les figures 5 et 6 représentent les points avec coordonnées (CTR, hintermonde absolu) ainsi que la régression linéaire qui visualise la tendance du nuage de points. Les figures 7 et 8 représentent les hintermondes relatifs de Paris et de Lyon dans un cartogramme qui détaille les résidus en se basant sur une échelle ordinale.

 

Figure 5: Hintermonde relatif de Paris

 

Figure 6: Hintermonde relatif de Lyon

 

Figure 7a: L’hintermonde relatif de Paris, représenté par une échelle ordinale (supra-connexions)

 

Figure 7b: L’hintermonde relatif de Paris, représenté par une échelle ordinale (infra-connexions)

 

Figure 8a: L’hintermonde relatif de Lyon, représenté par une échelle ordinale (supra-connexions)

 

Figure 8b: L’hintermonde relatif de Lyon, représenté par une échelle ordinale (infra-connexions)

 

Les figures 5 et 7 nous montrent que Paris a des supra-connexions surtout avec des villes asiatiques (Pékin, Bangkok, Singapour, Ho Chi Minh Ville) suivies de quelques villes européennes (Francfort, Munich et Bratislava) et américaines (Calgary, Washington DC). Cela signifie que ces villes sont desservies plus intensément par Paris que ce que l’on pouvait attendre au vu de leur CTR. Les infra-connexions de Paris sont surtout situées au Canada, aux Etats-Unis et en Amérique latine (Vancouver, Seattle, Toronto, Miami, Los Angeles), suivis de l’Europe (Athènes, Istanbul), de l’Afrique (le Caire) et de l’Australie (Auckland). Ces villes sont donc moins bien desservies par Paris que ce que l’on pouvait attendre d’après leurs connectivités totales.

Sur les figures 6 et 8, nous remarquons que pour Lyon, les principales supra-connexions se situent uniquement en Europe, avec l’accent sur l’Allemagne (Munich, Cologne, Hambourg) et l’Italie (Rome et Milan), suivis de l’Espagne (Barcelone), le Portugal (Lisbonne), la France (Paris), l’Angleterre (Manchester) et le Danemark (Copenhague). Les infra-connexions se situent principalement en Asie (Séoul, Tokyo, Hong Kong, Manille, Bangkok, Ho Chi Minh Ville), suivie de l’Australie (Sidney), de l’Afrique (Nairobi), du Canada, des Etats-Unis et de l’Amérique latine (Buenos Aires), et de l’Europe (Bratislava).

En comparant les figures 5 et 6, nous observons une plus grande dispersion autour de la régression linéaire pour Lyon par rapport à Paris. La somme des valeurs absolues des résidus est environ 2,5 fois plus élevée pour Lyon que pour Paris. Ceci signifie que Paris est connectée avec la plupart des villes à hauteur de ce que nous pouvions attendre sur base de la CTR. Le fait que la dispersion autour de la régression soit plus élevée pour Lyon que pour Paris s’explique par le nombre plus restreint de sociétés présentes à Lyon. En général, plus le nombre de sociétés incluses dans l’analyse est petit, plus la dispersion autour de la moyenne sera élevée.

En conclusion, Paris possède un hintermonde plutôt mondial, tandis que Lyon, qui est moins fortement connecté que Paris, se concentre plus sur des connexions avec d’autres pays d’Europe et est ainsi caractérisée par un hintermonde régional. Les relations de Lyon sont généralement déterminées par la distance ; plus la distance est grande, moins les relations sont intenses. Pour Paris par contre, la distance ne joue pour ainsi dire aucun rôle.

Conclusion

Dans cet article, nous avons présenté une méthodologie qui permet, sur base de données concernant la présence de sociétés de services de production, de faire une estimation de l’importance des relations interurbaines. Sur base du concept d’‘hintermonde’, nous avons procédé à une estimation des deux seules villes françaises dans le top 123 des villes les plus connectées. Nous avons pu en déduire que Paris est plutôt une ville mondiale, ayant des connexions avec des villes dans le monde entier, tandis que Lyon est plutôt une ville régionale, caractérisée par une perte d’intensité dans les relations entre les villes qui s’accentue lorsque la distance entre elles augmente. Cette méthodologie s’accompagne d’un certain nombre de postulats audacieux, mais en se référant au travail conceptuel de Saskia Sassen, elle contourne un certain nombre de problèmes liés à l’usage de données d’infrastructure comme dans les analyses aéronautiques de Smith et Timberlake (2001), Cattan (2004) et Derudder et Witlox (2005).

Bien entendu, il reste néanmoins important de souligner qu’il existe différents genres de liens qui relient les villes et que nous en avons choisi un seul, à savoir les services de production avancés qui circulent entre les villes. Smith et Timberlake (1995) se sont concentrés sur les différentes sortes de liens qui peuvent exister entre les villes. Ils ont défini trois formes de flux (humain, matériel, information) et quatre fonctions (économique, politique, culturelle, sociale) suggérant 12 types de liens différents. Les connectivités décrites dans ce document sont du type ‘information – économique’ et ne représentent donc qu’une petite partie de tous les liens potentiellement existants entre les villes.

 


Annexe

Les codes des villes sont les suivants :


AB Abu Dhabi ; AD Adelaide ; AK Auckland ; AM Amsterdam ; AS Athens ; AT Atlanta ; AN Antwerp ; BA Buenos Aires ; BB Brisbane ; BC Barcelona ; BD Budapest ; BG Bogota ; BJ Beijing ; BK Bangkok ; BL Berlin ; BM Birmingham ; BN Bangalore ; BR Brussels ; BS Boston ; BT Beirut ; BU Bucharest ; BV Bratislava ; CA Cairo ; CC Calcutta ; CG Calgary ; CH Chicago ; CL Charlotte ; CN Chennai ; CO Cologne ; CP Copenhagen ; CR Caracas ; CS Casablanca ; CT Cape Town ; CV Cleveland ; DA Dallas ; DB Dublin ; DS Düsseldorf ; DT Detroit ; DU Dubai ; DV Denver ; FR Frankfurt ; GN Geneva ; GZ Guangzhou ; HB Hamburg ; HC Ho Chi Minh City ; HK Hong Kong ; HL Helsinki ; HM Hamilton(Bermuda) ; HS Houston ; IN Indianapolis ; IS Istanbul ; JB Johannesburg ; JD Jeddah ; JK Jakarta ; KC Kansas City ; KL Kuala Lumpur ; KR Karachi ; KU Kuwait ; KV Kiev ; LA Los Angeles ; LB Lisbonne ; LG Lagos ; LM Lima ; LN London ; LX Luxembourg ; LY Lyons ; MB Mumbai ; MC Manchester ; MD Madrid ; ME Melbourne ; MI Miami ; ML Milan ; MM Manama ; MN Manila ; MP Minneapolis ; MS Moscow ; MT Montreal ; MU Munich ; MV Montevideo ; MX Mexico City ; NC Nicosia ; ND New Delhi ; NR Nairobi ; NS Nassau ; NY New York ; OS Oslo ; PA Paris ; PB Pittsburg ; PD Portland ; PE Perth ; PH Philadelphia ; PN Panama City ; PR Prague ; QU Quito ; RJ Rio de Janeiro ; RM Rome ; RT Rotterdam ; RY Riyadh ; SA Santiago ; SD San Diego ; SE Seattle ; SF San Francisco ; SG Singapore ; SH Shanghai ; SK Stockholm ; SL St Louis ; SO Sofia ; SP Sao Paulo ; ST Stuttgart ; SU Seoul ; SY Sydney ; TA Tel Aviv ; TK  Tokyo, TP Taipei ; TR Toronto ; VI Vienna ; VN Vancouver ; WC Washington DC ; WL Wellington ; WS Warsaw ; ZG Zagreb ; ZU Zurich

 


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NOTES

* Universiteit Gent, Vakgroep Geografie, Krijgslaan 281 - S8, 9000 Gent, Belgique, Email: ben.derudder@ugent.be, frank.witlox@ugent.be

** University of Loughborough, Department of Geography, Leicestershire LE11 3TU, UK, http://www.lboro.ac.uk/gawc/, P.J.Taylor@lboro.ac.uk

1. Taylor (1999) pointe du doigt le fait que les données recensées par les états ont trait aux pays et non aux villes. En outre, les statistiques s’intéressent plutôt à la mesure des attributs qu’à l’analyse des flux (de personnes, de marchandises ou d’informations).

2. Un nombre limité d’études ne correspond à aucune de ces deux approches stricto sensu (voir par exemple Beaverstock et al., 2000).

3. Beaverstock et al. (1999) génèrent un inventaire des villes mondiales sur base de la présence de telles sociétés de services de production, mais leur analyse ne met pas en lumière les relations entre les différentes villes. L’objectif de cet article est d’aller plus loin et d’utiliser de telles données pour faire une estimation systématique des relations interurbaines.

 

 


Edited and posted on the web on 5th April 2004; last update 20th February 2007


Note: This Research Bulletin has been published in Revue d'Économie Régionale & Urbaine, (2), (2007), 179-200